Éoliennes : attention à ce que vous signez !

Environnement
21/4/2020
Robert H. Jackson United States Courthouse à Buffalo, États-Unis

Le marché de l’énergie éolienne est en pleine croissance. Les entreprises actives dans ce secteur sont en recherche constante de nouveaux endroits où implanter leurs installations.

Le marché de l’énergie éolienne est en pleine croissance. Les entreprises actives dans ce secteur sont en recherche constante de nouveaux endroits où implanter leurs installations et se tournent dès lors vers les propriétaires de terrains propices à les accueillir.

Le plus souvent, ces entreprises proposent aux propriétaires de signer des conventions préétablies par lesquelles le propriétaire concède à l’entreprise un droit de superficie pour l’implantation de l’éolienne et des installations connexes ainsi qu’une servitude de passage en vue de leur maintenance.

En pratique, force est de constater que ces conventions sont souvent très déséquilibrées et constituent parfois de véritables contrats léonins. Le propriétaire qui souhaite installer des éoliennes sur son terrain sera donc bien avisé de lire attentivement la convention qui lui est proposée et de s’assurer de bien comprendre les tenants et les aboutissants de chaque clause de celle-ci avant de la signer.

Le présent article énumère de façon non exhaustive certaines clauses que l’on rencontre souvent dans la pratique et auxquelles il convient d’être particulièrement attentif.

1. Déséquilibre entre les prestations réciproques des parties

Dans certains contrats, seules les obligations du propriétaire du terrain envers l’entreprise sont énoncées clairement. Ces obligations sont en outre libellées de façon très large. Le propriétaire s’engage ainsi par exemple à accorder à l’entreprise une droit de superficie ainsi qu’une servitude de passage sur la totalité de son terrain, étant précisé que l’entreprise peut utiliser ses droits de façon discrétionnaire.

En revanche, l’engagement de l’entreprise envers le propriétaire n’est pas clairement déterminé. Ainsi, la plupart des contrats prévoient un mode de rémunération qui dépend des installations effectivement implantées sur le terrain. En d’autres termes, bien qu’ils portent sur la totalité du terrain, les droits concédés à l’entreprise par le propriétaire ne seront rémunérés que si l’entreprise installe effectivement une éolienne ou tout autre installation accessoire sur le terrain. L’entreprise ne devra par contre rien payer au propriétaire si aucune installation n’est placée sur son terrain, alors même que le propriétaire reste tenu de respecter ses engagements envers l’entreprise (clause d’exclusivité, limitations diverses à la libre disposition du terrain, droit de préemption en faveur de l’entreprise, etc.).

Certaines conventions prévoient d’ailleurs expressément que les droits sont concédés gratuitement et qualifient dès lors d’ « indemnisation » la rémunération éventuellement octroyée au propriétaire.

À cet égard, il convient de rappeler que tant le droit de superficie que les servitudes ont la particularité de pouvoir être constitués à titre gratuit. Le contrat ne pourra donc pas être annulé au simple motif que le droit est concédé sans contrepartie .

Dans certaines conventions, le propriétaire s’engage également à permettre à l’entreprise d’utiliser son terrain pendant la durée des travaux, sans qu’aucune rémunération ou indemnisation ne soit prévue à cet effet.

Certaines conventions prévoient même que le propriétaire doit assumer lui-même le coût des infrastructures nécessaires à l’exercice par l’entreprise des droits qui lui ont été concédés, comme par exemple la réalisation d’un chemin suffisamment praticable en vue d’accéder aux installations depuis la voirie.

La combinaison de ces différentes clauses peut conduire à des situations totalement déséquilibrées et désastreuses financièrement pour le propriétaire.

Prenons l’exemple suivant : une entreprise s’intéresse à 10 terrains contigus appartenant à 10 propriétaires différents. Elle fait signer à ces 10 propriétaires une convention par laquelle chaque propriétaire s’oblige à lui concéder, entre autres, un droit de superficie et un droit de passage discrétionnaire sur l’ensemble de son terrain. L’entreprise n’obtient in fine les autorisations requises que pour implanter 5 éoliennes. Ainsi, si le mode de rémunération dépend des installations effectivement implantées, elle ne devra indemniser que les propriétaires des terrains sur lesquels une éolienne aura effectivement été installée. Les autres propriétaires ne percevront soit aucune rémunération soit une rémunération dérisoire liée à l’installation de câbles souterrains ou à un droit de passage sur leur fonds. Toutefois, les propriétaires des terrains sur lesquels aucune installation n’est finalement implantée demeureront tenus de respecter une série d’obligations, parfois assez contraignantes, sans percevoir la moindre rémunération.

2. Clause d’exclusivité et limitation à la libre disposition de son fonds

De nombreuses conventions contiennent des clauses d’exclusivité par lesquelles le propriétaire s’engage à ne concéder aucun droit à une autre entreprise en lien avec l’implantation d’une éolienne jusque dans un rayon de 5 ou 10 km.

Ces clauses s’appliqueront même si l’entreprise n’installe in fine aucune éolienne sur le terrain du propriétaire. Dans ce cas, le propriétaire accepte donc de limiter son droit de disposer librement de son terrain, mais également de tous les terrains dont il pourrait être propriétaire dans un rayon de 5 ou 10 km, sans la moindre contrepartie.

En outre, il n’est pas inutile de préciser que ces clauses constituent un frein au développement de l’énergie éolienne dans la mesure où elles ont pour effet de geler des terrains propices à accueillir des éoliennes. Cela étant, il faut toutefois admettre qu’en termes d’impact paysager, il n’est de toute façon pas recommandé d’implanter deux parcs éoliens à moins de 5 ou 10 km de distance.

Dans le même ordre d’idées, de nombreuses conventions contiennent des clauses limitant drastiquement les possibilités pour le propriétaire de céder son terrain ou de concéder un quelconque droit d’usage sur son terrain à un tiers. De telles clauses limitent également fortement le droit du propriétaire de disposer librement de son terrain, éventuellement sans la moindre contrepartie.

3. Sort du terrain après l’exploitation

La question de la remise en état du site à la fin du contrat est primordiale. Force est toutefois de constater que les conventions sont souvent imprécises sur cette question et que les droits du propriétaire ne sont pas suffisamment préservés.

Ainsi, la plupart des conventions prévoient une obligation de remise en état du terrain relativement limitée. L’entreprise ne s’engage généralement pas à remettre le terrain dans son pristin état mais simplement à démanteler l’installation, et ce partiellement puisque la convention prévoit la plupart du temps que les fondations ne seront enlevées que sur une profondeur de 1 à 2 mètres.

Certaines conventions exonèrent même l’entreprise de toute obligation de remise en état au cas où le propriétaire viendrait à manquer à ses obligation contractuelles envers l’entreprise. Or, le démantèlement d’une éolienne se chiffre en dizaines voire en centaines de milliers d’euros. Quel que soit le manquement commis par le propriétaire, la sanction apparaît donc en tout état de cause totalement démesurée.

Dans le même sens, les conventions sont souvent totalement muettes sur la question de la dépollution du terrain après l’exploitation.

Il est vrai que ces questions sont en principe réglées dans le cadre du permis d’environnement qui peut imposer à l’entreprise certaines obligations de remise en état ainsi que la constitution d’une sûreté financière. Toutefois, même dans ce cas, le problème pourrait persister lorsque, par exemple, l’entreprise est en faillite ou est insolvable et que les sûretés constituées s’avèrent insuffisantes, ou encore tout simplement lorsque les conditions du permis d’environnement sont insuffisantes.

Conclusion

L’implantation d’une ou plusieurs éoliennes peut être une opération intéressante financièrement pour le propriétaire d’un terrain susceptible d’accueillir une telle installation.

Le propriétaire veillera toutefois à ne pas souscrire aveuglément au contrat qui lui est proposé par l’entreprise, lequel sera bien souvent totalement déséquilibré et pourrait avoir des conséquences désastreuses. Il prendra plutôt le soin de négocier chaque condition du contrat et d’en rédiger soigneusement chaque clause de sorte à préserver ses droits.

Le propriétaire veillera particulièrement à ne pas souscrire le moindre engagement sans avoir la certitude de recevoir une contrepartie.

Une attention toute particulière devra également être portée au sort des installations et du terrain après l’exploitation de l’installation, dans la mesure où c’est l’aspect qui présente le plus de risque sur le plan financier. À cet égard, il est nécessaire que les obligations de l’entreprise ne soient pas limitées et que celle-ci fournisse suffisamment de garanties afin d’assurer le respect de ses obligations en toutes circonstances, par exemple en cas de faillite.

Article : Sean Fagnoul
Copiez le lien pour partager l'article
Partagez sur les réseaux sociaux

Auteurs de l'article

Pas d'auteur trouvé

Consultez l'un de nos avocats

La réalisation d’un projet immobilier est semée d’embûches. Prenez contact avec un professionnel pour optimaliser la réalisation de votre projet et d’éviter, dans la mesure du possible, un procès.

Planifier un entretien