J’achète un immeuble et je constate des vices après la passation de l'acte authentique : que faire?
On retrouve souvent, tant dans le compromis de vente que dans l’acte authentique, une clause du type :
« Le bien est vendu dans l’état où il se trouve actuellement, que la partie acquéreuse déclare bien connaître, et sans garantie pour les vices apparents ou cachés des sols, sous-sols, bâtiments et installations quelconques. Le vendeur est informé que la présente clause ne l’exonère en aucun cas de ses responsabilités en raison des vices cachés dont il aurait sciemment tu l’existence. Le vendeur déclare qu’il n’a connaissance d’aucun vice ».
Il s’agit d’une clause d’exonération des vices cachés.
Dans le cadre de la vente d’un immeuble à un consommateur, la validité d’une telle clause dépend de la qualité du vendeur.
Une telle clause est licite lorsqu'elle est insérée dans un contrat conclu entre un vendeur non-professionnel et un consommateur.
Dans ce cas, le consommateur qui souhaite invoquer la garantie des vices cachés ne pourra le faire que s’il parvient à démontrer dans le chef du vendeur non-professionnel un dol principal ou un dol incident.
La distinction est importante :
- Le dol principal est celui qui a été la cause déterminante du consentement d’une partie, c'est-à-dire celui sans lequel cette partie n’aurait pas conclu le contrat. La sanction est l’annulation de la convention, sans préjudice de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui ne serait pas réparé par l’annulation ;
- Le dol incident est celui qui n’a pour effet que d’influencer les conditions du contrat, c’est-à-dire celui en l’absence duquel le contrat aurait quand même été conclu, mais à des conditions plus favorables pour la victime du dol. La sanction n’est pas l’annulation du contrat, elle est limitée à l’allocation de dommages et intérêts.
La doctrine et le jurisprudence considèrent que :
« La réticence à divulguer certaines informations peut être qualifiée de dolosive lorsqu'il existe une obligation de divulguer celles-ci à l'autre partie et qu'elle porte sur un fait qui, s'il avait été connu de l'autre partie, l'aurait amenée à contracter à des conditions moins onéreuses ou à ne pas contracter. Il faut que l'auteur de la réticence ait, au moment de la formation du contrat, omis sciemment de mentionner les informations, c'est-à-dire avec l'intention d'induire son cocontractant en erreur » (Bruxelles, 22 février 2018, R.C.D.I., 2018/4, p. 1.257).
En d'autres termes, « la réticence, qui consiste en un silence ‘qualifié’ par les circonstances, dans la mesure où elle entraîne une dissimulation volontairement insidieuse, peut-être une manœuvre dolosive. Il s'agit d'un mensonge par omission, l'erreur d'une partie étant provoquée par le silence de l'autre. Il convient cependant de noter que toute abstention de parler, même volontaire, ne constitue cependant pas une réticence » (P. VAN OMMESLAGHE, « Droit des obligations », vol. 1, p. 70).
« La réticence doit, comme tout dol, revêtir un caractère intentionnel, dont la constatation ne se déduit pas seulement du non-respect objectif d’une obligation d’information. Il faudra constater que l’auteur de la réticence s’est abstenu de parler, dans le but de tromper autrui, alors qu’il savait qu’une obligation d’informer autrui était mise à sa charge. A défaut de cette intention précise, qui ne sera pas en principe réalisée si l’auteur du comportement incriminé ‘devait’ simplement – et objectivement – ‘savoir ” qu’il était tenu de parler, il n’y aura pas de dol par réticence mais, le cas échéant, un autre type de culpa in contrahendo (…). Pour qu’il y ait dol, quelle qu’en soit la forme, il faut qu’il y ait une volonté précise de tromper » (J.-F. ROMAIN, « Théorie critique du principe général de bonne foi en droit privé », 2000, pp. 287-288).
Il incombe donc à l’acheteur de prouver que le vendeur lui a sciemment caché certains éléments relatifs à la nature et l’état du bien vendu et que s’il en avait été informé, il n’aurait pas acheté ou alors à un prix inférieur.
Par exemple, tel sera le cas lorsque le vendeur a placé des cloisons contre un mur intérieur afin de dissimuler la présence d’humidité, lorsque le vendeur n’ a pas informé l’acheteur que la chaudière devait être remplacée alors que lors du dernier entretien, le chauffagiste le lui avait indiqué, etc.
En revanche, le vendeur professionnel qui contracte avec un consommateur ne peut s’exonérer de la garantie des vices cachés. Dans ce cas, la clause d’exonération insérée dans le contrat sera nulle.
En effet, l’article VI.83 du Code de droit économique dispose que : « dans les contrats conclus entre une entreprise et un consommateur, sont en tout cas abusives, les clauses et conditions ou les combinaisons de clauses et conditions qui ont pour objet de : (…) 14° supprimer ou diminuer la garantie légale en matière de vices cachés, prévue par les articles 1641 à 1649 du Code civil, ou l’obligation légale de délivrance d’un bien conforme au contrat, prévue par les articles 1649bis à 1649octies du Code civil ».
Par ailleurs, l’article VI.84, § 1er du Code de droit économique stipule que « toute clause abusive est interdite et nulle. Le contrat reste contraignant pour les parties s’il peut subsister sans les clauses abusives ».
En présence d’un vendeur professionnel, il ne sera donc pas nécessaire de rapporter l’existence d’un dol mais simplement l’existence d’un vice caché, c’est-à-dire d’un vice suffisamment grave que l’acheteur n’a pas pu découvrir lors d’un examen raisonnable des lieux avant l’achat.
Dans tous les cas, cette preuve n’est pas facile à rapporter. Il faut souvent mener des investigations. Lorsque vous êtes confronté à pareil problème, il importe de solliciter rapidement l’avis d’un expert-architecte afin de clicher la situation et de vous éclairer sur l’importance du vice, afin d’éviter de faire un procès pour un vice bénin, mais également sur son origine. L’expert pourra également déterminer si le vendeur devait connaître l’existence de ce vice.
Sur base de ce rapport, votre avocat pourra vous conseiller sur l’opportunité de mettre en demeure le vendeur et, le cas échéant, d’intenter une action judiciaire.
Enfin, il convient de ne pas perdre de vue qu’une action sur base des vices cachés doit être introduite à bref délai. On considère habituellement que le bref délai est de maximum 6 mois à compter de la découverte du vice. En ce qui concerne l’action sur base du dol, celle-ci doit être introduite dans un délai de 5 ans, mais il est toujours préférable d’agir le plus rapidement possible à compter de la découverte du vice.
Article : Jean-Marc Verjus
Auteurs de l'article
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